đ The Five Dysfunctions of a Team, Patrick Lencioni - 5 erreurs Ă Ă©viter pour construire une Ă©quipe performante et motivĂ©e
Tout manager a dĂ©jĂ ressenti cette sensation frustrante : alors que toutes les conditions du succĂšs sont rĂ©unies, lâĂ©quipe fait du sur place et peine Ă produire des rĂ©sultats significatifs. Câest Ă travers une histoire fictive mais bien vraisemblable que Patrick Lencioni nous livre les cinq erreurs Ă ne pas commettre dans la construction dâune Ă©quipe fonctionnelle et performante.
A lâĂąge de cinquante-sept ans, Kathryn vient dâĂȘtre nommĂ©e CEO de DecisionTech. La start-up semble avoir tout pour rĂ©ussir sur le papier : des managers aguerris, un business plan infaillible, et plus dâinvestisseurs quâaucun de ses concurrents. Pourtant, les rĂ©sultats sont en chute libre. Comment Kathryn va-t-elle redresser cette situation apparemment dĂ©sespĂ©rĂ©e ?
Le principal enseignement de ce livre : bien plus que le financement, la stratĂ©gie ou la technologie, un travail dâĂ©quipe efficace reste le plus grand avantage comparatif dont une entreprise peut profiter.
Voyons cela de plus prĂšs.
đ Oublier d'Ă©tablir un climat de confiance
Dâabord au cours de nos Ă©tudes, puis dans le monde professionnel, nous avons pris lâhabitude dâĂ©voluer dans un environnement extrĂȘmement compĂ©titif oĂč chacun doit protĂ©ger sa rĂ©putation et ses arriĂšres. VoilĂ pourquoi ce premier Ă©cueil est si difficile Ă Ă©viter et si courant.
Patrick Lencioni dĂ©finit la confiance comme la capacitĂ© Ă se mettre en situation de vulnĂ©rabilitĂ© face aux autres. Autrement dit, une Ă©quipe qui fonctionne est une Ă©quipe oĂč les collaborateurs nâont pas peur de sâouvrir les uns aux autres et dâexposer leurs points faibles, leurs difficultĂ©s, leurs erreurs, et leurs opinions sur lâentreprise et le reste de lâĂ©quipe.
Si le manque de confiance est si dommageable, câest dâabord parce quâĂ©voluer dans un climat de mĂ©fiance, câest se priver des opinions de ses collaborateurs sur des points qui pourraient ĂȘtre vitaux au dĂ©veloppement de lâentreprise. De plus, en lâabsence de confiance, on craint le jugement de ses pairs, et on hĂ©site Ă demander de lâaide et Ă en offrir.
Pire encore selon lâauteur : dans une entreprise oĂč la mĂ©fiance rĂšgne, chacun passe plus de temps Ă faire attention Ă ce quâil dit et fait quâĂ rĂ©aliser un travail dâĂ©quipe vĂ©ritablement productif.
Ăviter un tel dysfonctionnement semble donc ĂȘtre la rĂšgle de base de toute Ă©quipe saine et efficace. Attention cependant, une atmosphĂšre de confiance met du temps Ă se construire. Une piste suggĂ©rĂ©e par lâauteur : pour encourager lâĂ©quipe Ă faire de mĂȘme, le chef doit prendre le risque de se mettre-lui-mĂȘme en situation de vulnĂ©rabilitĂ©, en nâhĂ©sitant pas, par exemple, Ă demander de lâaide Ă ses subordonnĂ©s sur des sujets quâil maĂźtrise moins.
đ Craindre le conflit
Comme dans un couple, le conflit est vital au bon fonctionnement dâune Ă©quipe tant quâil reste constructif et non passionnel. Pourtant, le manque de conflit reste trĂšs rĂ©pandu en entreprise : lâimage dâEpinal des rĂ©unions corporate nâest-elle pas celle de longs moments dâennui et de solitude, durant lesquels bien peu est rĂ©ellement dĂ©cidĂ© et accompli ?
On voit aisĂ©ment comment cet Ă©cueil dĂ©coule du prĂ©cĂ©dent : sans confiance en ses pairs, si lâon craint leur jugement, comment prendre le risque de sâopposer Ă eux et dâengager le dĂ©bat ? Il faut ici bien distinguer le conflit interpersonnel et destructif du conflit productif fondĂ© sur lâĂ©change dâarguments rationnels. Bien entendu, seul ce dernier est profitable au dĂ©veloppement de lâĂ©quipe. Il constitue un moment clĂ© de la vie de lâentreprise, qui permet dâune part dâĂȘtre au clair sur les intentions et opinions de chacun, et dâautre part dâaboutir Ă une solution commune.
Selon une idĂ©e rĂ©pandue, le conflit constituerait un gĂąchis de temps et dâĂ©nergie. Nâa-t-on jamais entendu des collĂšgues rechigner Ă faire une rĂ©union sous prĂ©texte de vouloir faire du « vrai travail » ? Pourtant, les Ă©quipes qui Ă©vitent le conflit se condamnent justement Ă rĂ©pĂ©ter les mĂȘmes erreurs sans dĂ©boucher sur des solutions viables. Et, ironiquement, câest aussi dans ces Ă©quipes qui craignent le conflit dâidĂ©es que se dĂ©veloppent les frustrations et attaques personnelles, quant Ă elles vĂ©ritablement dangereuses pour la cohĂ©sion lâĂ©quipe.
Une piste donnĂ©e par lâauteur : Ă chaque rĂ©union de lâĂ©quipe, dĂ©signer un « dĂ©mineur de conflits », qui aura pour rĂŽle de mettre au jour les tensions et dĂ©saccords sous-jacents aux difficultĂ©s rencontrĂ©es dans lâexĂ©cution des projets.
đ ââïž DĂ©courager lâengagement
Une nouvelle fois, ce problĂšme est un corollaire direct du prĂ©cĂ©dent : si un dĂ©bat complĂštement ouvert nâa pas lieu et que les membres de lâĂ©quipe nâont pas pu exprimer leur opinion, les dĂ©cisions qui en ressortiront ne seront pas parfaitement en phase avec leurs problĂšmes et leurs attentes. En dâautres termes, ils auront lâimpression que cette dĂ©cision est arbitraire et leur est imposĂ©e de lâextĂ©rieur. Dans de telles conditions, comment espĂ©rer quâils sâengagent pleinement dans les projets de lâĂ©quipe ?
Ce manque dâengagement va de pair avec une incertitude quant Ă la marche Ă suivre, en particulier pour les rĂ©unions de comitĂ© exĂ©cutif. Ainsi, si les dĂ©saccords nâont pas pu sâexprimer clairement en rĂ©union, les managers donneront des indications lĂ©gĂšrement diffĂ©rentes Ă leur subordonnĂ©s. Si ces divergences semblent nĂ©gligeables au premier abord, elles crĂ©eront des ambiguĂŻtĂ©s dans les niveaux infĂ©rieurs qui conduiront inĂ©vitablement Ă un engagement et une efficacitĂ© moindres.
Il ne sâagit pas lĂ de confondre engagement commun et consensus ou dĂ©cision dĂ©mocratique : le manager doit faire preuve de leadership et conserver le pouvoir de dĂ©cision en derniĂšre instance. Il doit cependant sâassurer que tous ses collaborateurs sortent de la rĂ©union en ayant lâimpression que leur point de vue a Ă©tĂ© Ă©coutĂ© et pris en compte, mĂȘme sâil a Ă©tĂ© en contradiction avec la dĂ©cision finale, sans quoi un engagement total est difficile.
Une suggestion de lâauteur : Ă la fin dâune rĂ©union, passer en revue les dĂ©cisions clĂ©s qui y ont Ă©tĂ© prises et sâassurer de ce qui doit ĂȘtre communiquĂ© aux autres collaborateurs et aux partenaires.
đŽ Refuser de donner un feedback nĂ©gatif
Pour sâĂ©viter lâembarras de faire un reproche Ă quelquâun, il peut ĂȘtre tentant de se taire et de laisser passer. La critique est dâautant plus difficile entre des managers de mĂȘme niveau, qui ont lâimpression dâavoir encore moins de droit de regard de par leur qualitĂ© dâĂ©gaux. Cet Ă©cueil est donc lui aussi trĂšs courant, et pourtant extrĂȘmement dommageable Ă lâentreprise et Ă lâĂ©quipe.
Ce genre de discussion difficile est pourtant incontournable : comment aider son collaborateur, et par extension lâentreprise, Ă progresser sans accepter de le reprendre lorsquâil se trompe ? Chacun doit se sentir responsable de lâĂ©quipe, et par consĂ©quent, chacun doit savoir que les autres sont aussi responsables de leur travail et de leurs erreurs.
Les Ă©quipes qui rĂ©ussissent sont ainsi celles oĂč les membres savent se tenir responsables les uns les autres de ce qui ne va pas. Ironiquement, lâabsence de critique ouverte et constructive au sein dâune Ă©quipe entraĂźne justement la dĂ©tĂ©rioration des relations interpersonnelles, puisque les membres de lâĂ©quipe en veulent aux autres dâabaisser les standards de qualitĂ© collectifs. En plus de cela, un tel climat fait porter un fardeau dâautant plus grand au chef de lâĂ©quipe quâil le place comme unique garant de la discipline.
Face Ă cet Ă©cueil, lâauteur suggĂšre de rappeler rĂ©guliĂšrement et publiquement les standards de qualitĂ© et les buts que lâĂ©quipe doit sâimposer. Plus quâaucun systĂšme de mesure de la performance, la peur de ne pas dĂ©cevoir ses pairs est un moteur dâaction et dâefficacitĂ©.
đ Ne pas prĂȘter attention aux rĂ©sultats collectifs
En dĂ©finitive, le seul vĂ©ritable moyen dâĂ©tablir lâefficacitĂ© dâune Ă©quipe est dâexaminer les rĂ©sultats quâelle obtient. Or, si les membres de lâĂ©quipe ne sentent pas engagĂ©s et responsables de rĂ©sultats obtenus globalement, ils auront tendance Ă se concentrer sur la performance de leurs seuls dĂ©partements.
Cet Ă©cueil apparaĂźt en effet lorsque les membres de lâĂ©quipe se concentrent sur la rĂ©ussite dâautre chose que les objectifs communs, que ce soit lâĂ©go, la rĂ©putation ou la rĂ©ussite personnelle. Mais pourquoi se concentrer Ă ce point sur les rĂ©sultats collectifs ?
Dâabord, parce que de bons rĂ©sultats indiquent une bonne santĂ© de lâentreprise et une confirmation des efforts fournis. Mais aussi et surtout, parce quâils sont clairs et non ambigus, ils ne laissent pas de place pour la subjectivitĂ© et lâĂ©go individuel. Seule doit compter la rĂ©ussite du collectif. Lâauteur rĂ©sume ainsi cette conception holiste de lâentreprise : « lâĂ©go collectif doit ĂȘtre supĂ©rieur Ă la somme des Ă©gos individuels ». La premiĂšre Ă©tape pour sortir de cet Ă©cueil consiste ainsi Ă dĂ©finir des objectifs clairs et prĂ©cis pour lâĂ©quipe.
Mais comment mesurer ces rĂ©sultats ? Si les profits rĂ©alisĂ©s sont assurĂ©ment un critĂšre pertinent, ils ne sauraient ĂȘtre considĂ©rĂ©s seuls car ils sâenvisagent sur un terme trop long. Il faut des rĂ©sultats qui soient atteignables et vĂ©rifiables bien plus rĂ©guliĂšrement. Lâauteur en propose ainsi dâautres, Ă mesurer mensuellement : la qualitĂ© produit, la satisfaction des clients, ou encore lâacquisition de nouveaux clients.
En synthĂšse
Patrick Lencioni nous livre ainsi une prĂ©sentation synthĂ©tique et convaincante des cinq dysfonctionnements majeurs dâune Ă©quipe :
- Lâabsence de confiance
- La peur du conflit
- Le manque dâengagement
- Le refus de donner un feedback négatif
- Lâinattention aux rĂ©sultats
Tomber dans un seul de ces Ă©cueils, câest sâexposer Ă tous les autres car ils dĂ©coulent naturellement les uns des autres. RĂ©ciproquement, ces problĂšmes ne peuvent se traiter indĂ©pendamment et une approche globale est nĂ©cessaire.
Un bon manager devra donc toujours sâassurer de la cohĂ©sion, de la confiance, de lâengagement, de la bonne communication, et du sens des responsabilitĂ©s de ses collaborateurs. Pour Ă©viter lâĂ©chec, il ne devra pas seulement travailler au succĂšs individuel de chaque dĂ©partement, mais au fonctionnement de lâĂ©quipe dans son ensemble, vertu cardinale Ă la base de toutes les autres.